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A P P O R T
SUR
LE " CENTRE INTÉGRÉ DE RECHERCHES BIOCLINIQUES D'ABIDJAN
" (CIRBA) ET SUR LA PARTICIPATION DE L'ITALIE
EN CÔTE D'IVOIRE POUR LES TRANSFERTS TECHNOLOGIQUE ET SCIENTIFIQUE
SOUS L'EGIDE DE L'UNESCO
Vittorio
Colizzi, Abidjan, 7-14 juin 2000
1. Introduction
Ce rapport rend compte
de la visite effectuée en Côte d'Ivoire auprès du
Centre Intégré de Recherches Biocliniques d'Abidjan (CIRBA)
par le Professeur Luc Montagnier et le Professeur Vittorio Colizzi. L'objectif
de cette visite a été d'évaluer la possibilité
concrète d'une intégration du CIRBA (Fondation Mondiale
Recherche et Prévention SIDA) avec les activités et les
projets scientifiques du Centre International pour le SIDA et les Infections
Emergentes et Ré-émergentes (ICAERI) et, d'une façon
plus générale, avec l'IRCCS " L. Spallanzani "
dans le cadre des accords du Bureau de l'UNESCO de Venise avec le CNR
et le gouvernement italien.
2. Le CIRBA
Le CIRBA est né
par la volonté du gouvernement de la Côte d'Ivoire et de
l'UNESCO afin d'installer un Centre de Recherches Biocliniques pour représenter
un point de référence dans le combat contre le SIDA dans
cette partie de l'Afrique où les sujets séropositifs représentent
à ce jour 15 % de la population (chiffres officiels du gouvernement
de la Côte d'Ivoire ).
Le CIRBA, voisin
de l'Hôpital de Treichville, se situe dans un des quartiers centraux
de la ville, sur le chemin de l'aéroport. Il s'élève
sur un terrain de 5 000 m2, avec une construction d'environ 600 m2, comprenant
des bureaux, des laboratoires, une salle de réunion, un espace
clinique, de services communs et un laboratoire P3. Le matériel
clinique est minime puisque les activités déployées
concernent principalement le " counseling " et la thérapie
antivirale. Les laboratoires sont équipés, mais un complément
d'équipement est nécessaire pour améliorer le matériel
d'entretien, ainsi que le matériel de diagnostic et de recherche.
Le CIRBA est dirigé
par le Dr. Henri Chenal, Docteur-Chirurgien d'origine française
et de nationalité ivoirienne. Sa présence est l'élément
essentiel du développement du CIRBA. Marie-Georges Enouf, française,
ingénieur de recherche, est sa collaboratrice. Elle est responsable
des laboratoires, de la gestion et de l'administration quotidienne. Ces
deux figures professionnelles sont le coeur du CIRBA. Par ailleurs, au
CIRBA, le personnel est africain, dont une secrétaire, trois techniciens
de laboratoire, un auxiliaire sanitaire et trois médecins dont
un pneumologue et un pédiatre. L'activité quotidienne est
basée sur le suivi des patients, l'administration de la thérapie
antivirale (un des rares centres existant en Côte d'Ivoire à
cet effet), le diagnostic du laboratoire de biochimie, la mesure de la
charge virale et le niveau des lymphocytes CD4.
Les projets cliniques
sont actuellement représentés par une étude d'association
antirétrovirale de la Société Merk-Sharp & Dohme
et une seconde étude est en cours, en coopération avec la
Société DUPONT-PHARMACEUTICALS. Ces études permettent
d'avoir gratuitement les médicaments antirétroviraux, au
delà d'un remboursement des analyses effectuées.
Les projets de prévention sont développés principalement
dans le domaine de la formation des formateurs et s'adressent aux populations
considérées à risques (armée, police, industrie).
Les projets de recherche sont absents, et ceci semble plus un choix de
priorité qu'un désintéressement scientifique du Directeur
et des autres collaborateurs du CIRBA.
Le budget du CIRBA est constitué pour 80 % par un budget local
grâce au déroulement des activités cliniques et de
prévention. L'autre partie (20 %) provient du projet Merck et éventuellement
de DUPONT. L'impression perçue après lecture rapide du budget
est qu'il existe une potentialité forte au CIRBA exploitée
seulement partiellement en raison d'une insuffisante disponibilité
financière. L'absence d'une contribution financière régulière
de la Côte d'Ivoire et de l'UNESCO se fait resentir. La Fondation
Mondiale Recherche et Prévention SIDA a financé la construction
des locaux et de le laboratoire du Centre et envoie des contributions
financières sporadiques provenant de ses activités promotionnelles.
3. Le CIRBA, l'UNESCO et l'ONUSIDA
Le CIRBA est une
structure cré sous l'égide de l'UNESCO dont la gestion est
assurée par la Fondation Mondiale Recherche et Prévention
SIDA et fonctionne en coopération avec le bureau de l'UNESCO de
la Côte d'Ivoire. Le bureau de l'UNESCO de la Côte d'Ivoire
est une des bureaux africains de l'UNESCO et il est dirigé actuellement
par Madame Lucette de Andrade Diawara. Il fonctionne de manière
efficace et développe des projets communs avec ONUSIDA et les autres
organisations des Nations Unies en Côte d'Ivoire. L'impression reçue,
après de nombreux entretiens avec les membres de l'ONUSIDA (organisés
expressément par le bureau de l'UNESCO d'Abidjan) et avec le Ministre
de la Santé, est que le problème du SIDA est considéré
comme un problème de première importance, en réponse
à la demande croissante de la population pour obtenir un traitement
antirétroviral. Il sera intéressant de voir comment cette
politique de la Côte d'Ivoire sera confrontée avec la position
prise par le gouvernement sud-africain à l'occasion de la XIIIème
Conférence Internationale sur le SIDA de Durban.
4. Le CIRBA
La collaboration
existante depuis plusieurs années entre chercheurs italiens travaillant
à Rome et actuellement intégrés dans l'ICAERI avec
le groupe du Professeur Luc Montagnier a permis indirectement d'appréhender
avec le CIRBA quelques pistes de recherches. Quelques technologies, comme
l'analyse en cytofluométrie et quelques secteurs de recherche,
comme l'étude de l'apoptose et des mécanismes de pathogénèse
du SIDA, le rôle de l'immunité naturelle et de l'incidence
de l'infection tuberculeuse dans la pathogénèse du SIDA,
sont clairement associés et pourraient bénéficier
largement d'une coopération scientifique et financière d'importance.
Dans ce contexte,
les points de force du CIRBA sont les suivants :
Représenter
un des rares centres africains dans lequel la thérapie antirétrovirale
a été mise en oeuvre (300 patients traités sur les
600 de toute la Côte d'Ivoire) avec les mêmes normes et critères
européens, et ce qui est très important, avec les mêmes
succès thérapeutiques;
Etre une structure
concentrée par sa dimension et de facile intégration pour
les activités clinique et de recherche, ainsi que par la présence
constante d'un Directeur et d'un Médecin de nationalité
française/ivoirienne;
D'opérer
dans une zone où l'épidémie du SIDA est élevée
ainsi que la tuberculose, et où le gouvernement semble mener une
politique active en mesure de trouver des points de rencontres entre la
volonté des africains d'être de véritables protagonistes
et les normes de la coopération européenne;
D'avoir du
personnel jeune et expert ouvert à la formation médicale
et scientifique.
Les points
de faiblesse du CIRBA sont les suivants:
Ne pas avoir
un support financier régulier. Le même gouvernement de la
Côte d'Ivoire ne finance pas le CIRBA régulièrement,
cela donne une grande insécurité financière ;
Le personnel
médical est principalement volontaire, les techniciens sont payés
irrégulièrement, l'entretien du matériel et du laboratoire
P3 est irrégulier, avec en conséquence, un certain découragement
du personnel ;
· Les
recettes sont liées surtout à l'activité clinique
et par conséquent l'activité de recherche se trouve pénalisée.
Au vu des résultats cliniques et des possibilités technologiques
du CIRBA, quelques projets de recherches pourraient être mis en
oeuvre sur des secteurs et avec des objectifs communs avec ceux à
l'étude dans plusieurs centres et laboratoires italiens et en particulier
avec l'IRCCS Spallanzani.
En particulier, les
projets de recherche suivants sont d'un grand intérêt pour
la Côte d'Ivoire:
Caractérisation
de la réponse immunitaire naturelle pour les patients en cours
de thérapie avec HAART ;
· Caractérisation
de la réponse immunitaire acquise sur des Mycobactéries
et toxoplasmose pour les patients en cours de thérapie avec HAART
;
Développement
et expérimentation des protocoles de vaccination thérapeutique
successifs au traitement antirétroviral.
Bien que les
deux premiers projets aient été déjà effectués
avec des populations caucasiennes des pays occidentaux, le développement
avec la population africaine de la Côte d'Ivoire porterait à
des nouvelles connaissances scientifiques et en particulier:
L'importance
au cours du traitement antiviral des différences liées à
l'environnement et au génotype de la population ;
La caractérisation de la reconstitution de la réponse
immunitaire chez les sujets soumis à des conditions des charges
microbiennes (virales, parasitaires et bactériennes, avec l'accent
mis sur les mycobactéries et la toxoplasmose), énormément
plus importante que celle des pays occidentaux.
Le troisième
projet n'a pas encore été réalisé en Italie,
bien que des expérimentations de vaccinothérapie par VIH
spécifique, successives à HAART soient en cours de réalisation
aux Etats-Unis et en France. Leurs buts est d'évaluer la possibilité
de commencer la vaccination thérapeutique chez les patients traités
avec des médicaments antiviraux. Ce projet, effectué chez
la population africaine, permettrait de prévoir des traitements
pour une période définie, condition indispensable étant
donné la grande diffusion du SIDA sur le continent africain et
la nécessité de réduire le coût des traitements.
5. Propositions sur les modalités de financement de l'UNESCO
et de l'Italie.
La proposition du
financement des projets de recherche en collaboration avec le CIRBA sont
prévus par deux accords de l'UNESCO avec le CNR et le gouvernement
italien.
Dans l'accord de
coopération UNESCO-CNR, le Comité Mixte Technico-Administratif,
lors de sa dernière réunion en avril 2000, a proposé
d'employer 50 % des fonds destinés à la recherche et à
la formation au CIRBA sur la base des projets de recherches et des propositions
concrètes faites lors de la visite du Professeur Montagnier et
du Professeur Colizzi à Abidjan. Au vu des projets de recherche
énoncés ci-dessus et joints à ce rapport ainsi que
de l'accord et de la requête financière du Dr. Henri Chenal,
Directeur du CIRBA, le bureau de l'UNESCO de Venise pourrait effectuer
le transfert de fonds approuvé par le Comité Mixte (environ
US$ 60,000) à la Fondation Mondiale Recherche et Prévention
SIDA ou directement a le bureau UNESCO de Abidjan.
D'autre part, dans
le cadre des fonds que le gouvernement italien met à la disposition
de l'UNESCO, lors d'une réunion préliminaire, le Comité
Mixte du bureau de l'UNESCO de Venise a exprimé un avis favorable
à un projet de recherche en Côte d'Ivoire avec la coopération
conjointe de la Fondation Mondiale Recherche et Prévention SIDA,
de l'ICAERI et du bureau de l'UNESCO de Venise. La nécessité
d'ajouter au financement UNESCO-CNR un financement supplémentaire
(environ US$ 100,000 par an pendant 3 ans) de l'UNESCO est documentée
par la nécessité de compléter l'équipement
pour la mise en oeuvre des projets décrits ci-dessus ainsi que
de l'opportunité de renforcer le personnel de recherche comme convenu
avec le Dr. Henri Chenal, Directeur du CIRBA. En effet, sans ce financement
supplémentaire de l'UNESCO l'ensemble des activités du CIRBA
pourrait être mis en difficulté.
Au cours de la visite
à Abidjan, deux rencontres ont été organisées
par le Directeur du Bureau de l'UNESCO d'Abidjan, Mme L. de Andrade Diawara,
avec l'Ambassadeur italien en Côte d'Ivoire, S.E. Luigi Costa Sanseverino
di Bisignano. Le Professeur Montagnier était également présent
lors de cette rencontre. A la deuxième rencontre, deux fonctionnaires
italiens de la Coopération italienne (un du Burkina Faso et responsable
également de la Côte d'Ivoire et l'autre à Rome près
du Ministère des Affaires Etrangères) étaient présents.
Lors de ces rencontres, la possibilité de faire participer la Coopération
italienne à ce projet de l'UNESCO en Côte d'Ivoire a été
évoquée avec un financement pouvant couvrir les dépenses
de voyage et de séjour de deux chercheurs italiens. La demande
a été remise à l'Ambassadeur avec une requête
formelle du bureau de l'UNESCO d'Abidjan et une documentation sur le projet
de recherche, le C.v. des deux chercheurs, une présentation du
CIRBA et de l'ICAERI. L'obtention de ce financement supplémentaire
est considérée nécessaire afin d'éviter que
les coûts des chercheurs italiens puissent soustraire au CIRBA des
ressources dont il a besoin pour conduire ses projets de recherche.
Enfin, une aide ultérieure
pourrait venir de l'Institut Spallanzani, sous forme de personnel, de
matériel de diagnostic et de recherche, difficilement repérable
à Abidjan. Dans ce contexte, une référence particulière
a été faite au test pour la mesure de la charge virale,
test essentiel au suivi du traitement pharmacologique et au développement
des projets de recherche.
6. Conclusion
La visite à
Abidjan a été extrêmement fructueuse et a fourni des
informations concrètes sur la possibilité du développement
des projets de recherche scientifique et du transfert technologique de
l'ICAERI au CIRBA. Le développement d'un plan stratégique
contenant les modalités et les entités de la contribution
italienne et du Bureau de l'UNESCO de Venise trouveraient près
du CIRBA un milieu très réceptif et prêt à
la comparaison Nord-Sud dans le secteur de la prévention, du diagnostic
et de la thérapie du SIDA, comme souhaité lors de la 159ème
Session du Conseil exécutif de l'UNESCO (mai 2000), au cours de
laquelle, par la résolution n° 7.1.2 on a notamment "
prié les états membres de donner leur plein appui moral
et matériel au programme ONUSIDA et à la participation de
l'UNESCO dans ce programme, en associant leurs commissions nationales
et leurs communautés intellectuelles et scientifiques à
la lutte contre le SIDA ".
Dans la même
résolution, le Conseil exécutif de l'UNESCO invite le Directeur
général à:
Continuer d'accorder
dans tous les domaines de compétence de l'Organisation, et plus
particulièrement en matière d'éducation et de recherche
scientifique, une très haute priorité aux activités
destinées à répondre aux besoins spécifiques
des pays dans la lutte contre le SIDA en donnant une attention particulière
aux pays les plus affectés par l'épidémie, en particulier
en Afrique dans le cadre du partenariat international contre le SIDA en
Afrique;
Prendre les
mesures appropriées pour renforcer le mécanisme de coordination
des activités SIDA en renforçant les ressources financières
et humaines de l'UNESCO pour assurer la contribution efficace de l'Organisation
à ONUSIDA;
Renforcer la
coopération de l'UNESCO avec la Fondation Mondiale Recherche et
Prévention SIDA pour promouvoir la recherche afin de rendre possible
l'accès aux traitements pour tous les patients et parvenir dans
les meilleurs délais à un vaccin préventif;
Elaborer et
lui soumettre à sa 161ème session un projet de plan d'action
stratégique, fondé sur des objectifs et des résultats,
au titre de la contribution de l'UNESCO au plan stratégique d'action
du système des Nations Unies concernant le VIH/SIDA pour 2001-2005,
et à faire en sorte que cette stratégie soit dûment
prise en compte lors de la préparation de la prochaine Stratégie
à moyen terme de l'organisation et du Programme et budget pour
2002-2003.
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